» Catégorie : Roman historique
Fleur de Neige – See Lisa
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Dans la Chine impériale du XIXe siècle, Fleur de Lis et Fleur de Neige naissant au même instant. Cette coïncidence et sa grande beauté permettent à Fleur de Lis, malgré son extraction modeste, de devenir l’âme-sœur, la laotong, de Fleur de Neige, fille de la haute noblesse. La grande amitié qui lie les jeunes femmes se brise quand Fleur de Lis découvre que son amie l’a trahie…
Une histoire d’amitié et de fascination réciproque qui explore avec lyrisme et émotion l’une des plus mystérieuses relations humaines : l’amitié féminine.
Lecture commune effectuée en janvier 2012 avec Livresse du site Partage lecture.
Attention il s’agit d’un avis détaillé à ne pas lire si vous n’avez pas encore découvert cet ouvrage.
Mon avis après la lecture de la première partie : Jours d’enfance :
On entre dans le récit par l’intervention d’une dame de 80 ans qui déclare qu’elle va nous raconter son histoire. Elle demande par ailleurs à sa petite fille de brûler ses écrits après sa mort. Apparaît déjà le besoin d’exprimer sa souffrance, de coucher sur le papier toutes les épreuves qu’elle a enduré au cours de sa vie. Et le lecteur s’aperçoit que cette délivrance n’est possible qu’après la mort de son mari.
L’histoire fictive de fleur de lis nous est rapporté ici afin de prendre conscience de la façon dont vivaient les femmes chinoises au XIXème siècle. On comprend qu’à l’intérieur de la famille une sorte de caste est imposée. Les hommes qui ont une valeur supérieure aux femmes vivent à l’extérieur, les femmes quant à elles vivent à l’intérieur de leurs foyers.
La femme n’a qu’un seul but : engendrer une descendance masculine.
Une jeune fille pèse sur sa famille, il ne faut pas lui consacrer trop de temps, d’argent, d’énergie et d’amour puisqu’elle partira dans la famille de son époux, et ne serait donc qu’une simple perte. De plus la constitution de la dote est un fardeau pour la famille.
Au final on s’aperçoit que les femmes ne sont pas libres et sont à chaque instant de leurs vies sous la coupe d’un homme : Père, mari et même fils, si elles deviennent veuves.
Dès le début on est frappé par l’absence de joie et d’amour dans cette famille. L’ambiance y est maussade et la lecture n’est pas vraiment agréable, à l’image de leur vie.
Puis viens le jour où Fleur de lis devient exceptionnelle car un devin, puis une entremetteuse perçoivent en elle la faculté d’avoir de petits pieds parfaits et donc par conséquent de faire une épouse parfaite.
Alors même que la jeune fille va apporter à sa famille la possibilité de les hisser socialement celle-ci va être mise à l’écart par sa famille, car elle va leur coûter plus d’argent et leur apporter des tracas supplémentaires.
Passage obligé dans la vie de quasiment toutes les jeunes chinoises (hormis les domestiques ayant besoin de leurs pieds pour se déplacer aisément) Fleur de lis, sa soeur cadette et sa cousine se font bander les pieds. C’est un moment fort dans le récit car Lisa See nous dépeint l’atrocité de cette pratique et les douleurs endurées par les jeunes femmes notamment lorsqu’on les oblige à marcher et lorsque leurs os se brisent.
L’horreur, la douleur et la putréfaction y sont tellement bien décrites que j’ai failli laisser le livre. Les pieds des femmes sont bandés afin de voir leur résistance à la douleur et de prouver leur obéissance.
On en oubli qu’il s’agit d’un récit fictif et on éprouve de la souffrance pour ces enfants.
Le récit est tellement poignant que l’on est tenté de faire des recherches, voici quelques images d’illustrations :
Dès lors, on s’attache à la jeune femme qui dans cette dure épreuve va perdre sa soeur cadette et simultanément sa grand-mère.
Le fait que les deux femmes meurent simultanément n’est pour moi pas un hasard, car cet épisode permet de constater la différence entre les deux obsèques : La petite fille n’ayant pas une place importante dans la famille a des obsèques des plus simples, alors que la grand-mère bénéficie des économies de la famille pour trouver le repos.
Il est clair qu’il s’agit d’un récit à but éducatif permettant de faire la lumière sur la culture chinoise ainsi j’aurais aimé avoir un peu plus de détails sur le rôle des entremetteuses.
Cependant j’ai appris ce qu’est le Nu Shu, cette écriture chinoise exclusivement féminine, crée par les femmes à l’insu des hommes pour communiquer secrètement avec leur famille d’origine (on voit également que peu d’entre elles le maîtrise), ce que sont les soeurs adoptives et bien plus important ce qu’est le privilège d’avoir une laotong.
Fleur de Neige apparaît alors comme étant l’Ame soeur (laotong) de Fleur de lis. Les deux jeunes femmes ayant un grand nombre de similitude (parmi les 8 critères pour être laotong) vont alors signer un contrat, se jurant ainsi un soutien et une fidélité pour la vie. C’est une chance dans la vie de Fleur de lis, car peu de personne ont une laotong, cet épisode apporte un peu de chaleur au récit.
Je trouve le choix du titre du livre assez étrange puisque pour le moment Fleur de lis est le personnage principal de cette histoire, or c’est Fleur de neige qui a été choisi pour symbolisé l’ouvrage, je m’attends donc à ce que ce lien soit très fort et que l’histoire se développe autour de ces jeunes femmes.
Mon avis après la lecture de la seconde partie : Le temps des chignons:
Dans cette partie nous nous approchons doucement du mariage des trois jeunes femmes (Fleur de lis, Belle lune et Fleur de neige). La tradition chinoise est bien expliqué, nous les accompagnons alors qu’elles constituent leurs trousseaux (ensemble des vêtements et du linge de maison, qui les suivront dans leur nouvelle famille, que chaque demoiselle doit fabriquer à partir du tissu envoyé par la famille du futur époux).
Mais alors que l’été est rudement chaud, Belle lune se fait piquer au niveau de la gorge et décède. Je me suis assez longuement interrogée sur l’intérêt de l’auteur dans cet épisode. Nous avions déjà eu notre dose de tragique et cette mort n’apporte pas grand-chose au récit.
J’ai d’abord pensé que Lisa See, ne sachant que faire de ce personnage qui n’était en réalité qu’une énième copie de nos héroïnes dont il fallait encore narré le mariage, elle décidât en cours de route de l’abandonner. Mais dans ce cas pourquoi l’avoir inséré dans le récit dès le début?
Livresse m’a alors suggéré que cet incident permettait probablement de faire la différence entre la mort de soeur de Fleur de lis et de celle de sa cousine. En effet alors que les parents de Fleur de lis n’ont pas eu beaucoup d’émotion face à la mort de leur cadette, l’oncle et la tante sont totalement dévasté par cette perte. Ne pas avoir de fils et le fait d’avoir été victime de nombreuse fausses couches ont rendus cette famille bien plus humaine que celle dont Fleur de lis est issue.
Après ce coup du sort, le récit revient vers quelque chose de plus joyeux puisque Fleur de lis épouse enfin le riche et respectable jeune homme dont on parle tant depuis le début du récit. Enfin « joyeux » est un grand mot car la cérémonie semble plutôt pénible pour la jeune femme qui, en plus de son angoisse à l’idée de rencontrer enfin sa belle famille, doit jeûner pendant une dizaine de jours.
La scène du mariage touchant à sa fin, Fleur de lis se rend dans le village de son mari qui est, accessoirement , celui de sa laotong (qui doit se marier, elle aussi, dans quelques jours). Sur le chemin la conduisant chez son époux Fleur de lis lit une lettre que Fleur de neige lui a remis, dans laquelle cette dernière lui demande de ne pas tenir compte des découvertes qu’elle va faire sur elle dans ce nouveau village et de l’aimer malgré tout.
Fleur de lis ne comprend pas trop cette semi révélation et s’aperçoit quelques jours plus tard de la trahison de sa laotong alors qu’elle lui rend visite dans sa demeure pour la première fois : Fleur de neige est ruiné, son père drogué à l’opium laisse la famille à l’abandon et sa tante (l’entremetteuse) a tout organisée pour tirer sa nièce de la misère dans laquelle elle vit.
Choquée, la jeune Fleur de lis ne semble pas tenir rigueur de cette escroquerie à sa chère Fleur de neige qu’elle connait depuis près de dix ans, en revanche elle s’aperçoit que sa famille, et plus particulièrement sa mère, est dans la confidence, elle ne lui pardonnera pas ce manque de franchise et se querellera même avec cette dernière.
Fleur de neige de son côté est assez honteuse de présenter sa véritable face cachée à sa laotong et se lamente de son futur mariage avec un boucher (métier indigne car les animaux sont sacrés).
Le lecteur se délecte des divers indices semés deci delà au fur et à mesure du récit, cependant le quart de couverture (que j’ai enfin lu juste avant d’attaquer cette partie), nous informe de la trahison, enlevant ainsi à ce rebondissement tout le charme et l’excitation qu’il est censé apporter au récit : Dommage!
Plus loin dans le récit, on sent monter une petite tension entre les jeunes femmes, une sorte de compétition à celle qui enfantera la première.
Et c’est Fleur de Neige qui arrive en tête, mais qui est bien vite suivi de Fleur de lis, qui elle aussi tombe enceinte à point nommé, car elle commençait à s’inquiéter d’être remplacée par une concubine.
Sur ces révélations s’achève cette partie, le synopsis nous promets une jalousie que l’on sent effectivement s’instaurer peu à peu entre les âmes-soeurs. Laquelle des deux aura un fils? L’amitié va-t-elle être plus forte que l’envie?
Malgré cette phase de transition où l’on ressent que le récit perd un peu de sa superbe, le lecteur reste en haleine et attend la suite qui devra toutefois être à la hauteur de ses espérances : dynamique et étonnante.
Mon avis après la lecture de la troisième partie : Les années « De riz et de sel »:
Contrairement à ce que je pensais les deux jeunes femmes donnent naissance à un fils.
Le fils de Fleur de neige, très chétif, va être renié par sa famille et plus particulièrement par sa grand-mère paternelle qui va le considérer comme s’il s’agissait d’une femme.
Le fils de Fleur de lis quant à lui va être conforme aux attentes de ses parents, attentif et obéissant.
La belle-mère de Fleur de lis est mécontente de la relation qu’entretien sa bru avec sa laotong et trouve que cela véhicule une mauvaise image pour sa famille. Dès lors Fleur de lis devra rusé pour rester en contact avec sa bien aimée.
Peu à peu on apprend que Fleur de Neige et malmenée par son mari qui semble la battre régulièrement. Après la grossesse les jeunes femmes asiatiques doivent normalement rester chastes pendant cent jours, cependant Fleur de lis se rend vite compte que sa laotong et son mari le boucher n’ont pas respecté se délai, car elle est de nouveau enceinte peu de temps après.
La narratrice, très respectueuse des us et coutumes de son pays ne voit pas ça d’un très bon oeil mais n’en tiens pas compte à sa laotong.
Cette dernière lui emboîte le pas après la période de chasteté (environ six semaines après). Fleur de lis donne naissance à un second fils tandis que Fleur de neige enchaîne les grossesses et perd deux petites filles mortes à la naissance.
La perte d’une fille est un soulagement pour la famille qui semble reconnaissante envers dieu de lui avoir ôté ce poids financier, mais Fleur de neige, seule contre tous, est frappée par la tristesse et ne peut se confier qu’à sa laotong en nu shu.
Après ce triste épisode les deux femmes retombent enceintes en même temps et espèrent secrètement qu’il s’agira de fille (car les filles tiennent compagnies plus longtemps à leur mère et aussi, car elles ont pour projet de réunir les deux jeunes femmes en les faisant devenir loatong). Souhait exhaussé.
Deux ans plus tard Fleur de neige mit au monde un second fils, plus robuste celui-ci ce qui ravit son papa. Mais la mort de l’empereur fit sombré la région dans le cahot entraînant la disgrâce de la cour. Ce qui m’empêchât pas Fleur de lis de mettre au monde un troisième fils deux ans plus tard.
Puis vint la sécheresse, les ressources s’amenuisant le mari de Fleur de lis décide de partir chercher du sel pour le revendre dans le village. Mission périlleuse, car avec les évènements politiques les rebelles contrôlaient le territoire et détroussaient les voyageurs. Fleur de lis savait que s’il arrivait malheur à son mari sa belle famille la vendrait à un autre homme et qu’elle serait alors déshonorée. Mais alors qu’elle est seule, les grosses chaleurs s’abattirent sur le village, amenant dans leurs sillons la fièvre typhoïde, faisant des ravages. Alors que Fleur de lis prend les choses en mains pour éviter à ses enfants d’être contaminés. Sa belle-mère tombe grièvement malade et, malgré les efforts de sa bru, succombe.
Dès lors Fleur de lis deviendra Dame lu, « la » femme de l’honorable clan des Lu et pourra rendre visite à sa laotong sans se cacher.
Mais brusquement, alors que Fleur de lis rend visite à Fleur de neige, les rebelles prennent d’assaut le village et les habitants sont obligés de fuirent vers les montagnes. Loin de ses proches Dame Lu va alors suivre durant des semaines la famille de sa laotong et découvrir le triste quotidien de cette dernière. Ses moments sont très durs on de nombreuses pertes sont à déplorer, principalement des femmes (handicapées par leurs pieds douloureux) et des enfants. Et contre toute attente ce n’est pas le fils aîné de Fleur de neige, pourtant fluet de naissance, qui périt, mais son fils cadet. Fou de rage, le boucher frappe et insulte violemment sa femme qui se retrouve à terre et en sang, faisant ce qui semble être une fausse-couche.
Il s’agit d’un passage atroce difficile à lire. Le lecteur n’a qu’une seule envie pousser cet horrible mari du haut de la montagne.
A partir de ce moment-là Fleur de Neige, femme détruite, va peu à peu sombrer.
A la fin de la guerre, Fleur de lis retrouve sa famille saine et sauve et découvre que son mari s’est véritablement positionné en chef du village au cours de ses tristes évènements. Le clan Lu est désormais reconnaissant envers le boucher et sa femme d’avoir pris soin de Fleur de lis.
Mal dans sa peau, avec ce sentiment d’être pris en pitié par sa laotong, Fleur de neige envoie un message à Fleur de lis lui indiquant qu’elle a trouvé des soeurs adoptives à son écoute.
Frustrée et déçue de cette trahison Fleur de lis ne veut plus entendre parlé de sa laotong. Elle, qui lui avait voué un amour sans faille, quel gâchis.
Cependant, le mariage de la cousine de Fleur de neige (voisine de Fleur de lis) réunit les deux jeunes femmes qui se disent leurs quatre vérités : Coup-bas et trahison sont alors au rendez-vous.
Après cette querelle virulente de nombreuses années s’écoulent sans que les deux laotong ne s’adressent la parole, jusqu’au jour où, Fleur de printemps, se présente au domicile des Lu pour supplier Fleur de lis de venir au chevet de sa mère alors mourante.
Malgré son amertume, Fleur de lis, ayant encore des sentiments pour Fleur de neige, se précipite au chevet de sa bien aimée et s’aperçoit, au seuil de sa mort qu’elle avait mal interprété ses paroles et qu’en aucun cas Fleur de neige ne l’avait abandonnée pour des soeurs adoptives.
Il s’agit d’un passage émouvant car Fleur de neige quitte ce monde, laissant Fleur de lis dans le regret de ces années gâchées par son ego. On apprend également que Fleur de neige était déjà malade et que le sang présent dans l’épisode de la montagne était lié à sa maladie.
Voici une partie truffée d’action qui rehausse le récit qui semblait s’essouffler dans la partie précédente. Une belle morale en découle à savoir qu’il faut profiter des gens que l’on aime, ne pas s’en éloigner pour des broutilles et mettre son orgueil de côté.
Mon avis après la lecture de la quatrième partie : Assise au calme.
Il ne s’agit pas d’une partie à proprement parlé mais d’un chapitre ou l’on comprend que Fleur de lis après avoir compris son erreur regrette son attitude et va faire tout son possible pour se faire pardonner en prenant sous sa coupe la petite-fille de la défunte Fleur de neige.
Avis global concernant cette lecture.
Le thème est original et abordé avec brio. Le lecteur ressent bien les recherches de l’auteur qui nous plonge dans le Folklore Asisatique du XVIIIème siècle. Le traitement des femmes est à limite du supportable ce qui fait de ce récit, bien qu’étant un récit fictif, un témoignage poignant et historique. Il y’a une multitude d’action et l’on ne peut pas s’ennuyer.
Le quart de couverture en dit trop et gâche certains passages importants du livre. L’amitié très forte entre deux femmes qui ont grandi dans un monde où l’affectif n’a pas sa place sera t-elle gâchée par l’orgueil?
Citations :
« Mon mari me répète à tout bout de champ qu’il vaut mieux avoir un chien qu’une fille, ajouta-t-elle en soupirant. Nous connaissions l’une et l’autre la vérité d’une telle assertion. mais était-ce une chose à dire à sa femme, alors qu’elle attendait un enfant? »
« Aujourd’hui encore, après toutes ces années, j’ai de la peine en repensant aux sentiments que ma mère m’inspira ce jour-là. Je vis avec une clarté confondante que je ne comptais pas le moins du monde à ses yeux. J’étais son troisième enfant, une fille de surcroìt- c’est-à-dire sans valeur – et trop insignifiante pour qu’elle perde son temps à s’occuper de moi avant d’avoir la certitude que je passe le cap de mes jeunes années. »
»En tant que fille, obéïs à ton père ; en tant qu’épouse, obéis à ton mari ; en tant que veuve, obéis à ton fils. »